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Les top priorités des apiculteurs en été

Table des matières

Article écrit par Antonio Pajuelo, expert espagnol en apiculture et fondateur de Pajuelo Apicultura. Avec des années d’expérience et une profonde passion pour l’apiculture, Antonio se consacre à aider les apiculteurs à améliorer leurs pratiques. Son expertise et ses connaissances font de lui une source de confiance pour les passionnés d’apiculture. Nous avons rajouté des annotations pour préciser certains éléments par rapport au climat français.

L’été est arrivé, alors prenez vos lunettes de soleil, restez hydraté et n’oubliez pas de préparer vos colonies d’abeilles !

Dans notre climat méditerranéen [valable pour le sud de la France], cette période est caractérisée par des températures élevées et l’absence de pluie, qui diminuent la floraison disponible. C’est le moment de surveiller la force des colonies, leurs réserves, et si nécessaire, d’apporter des compléments nutritionnels. Déplacer les colonies vers des zones plus fraîches avec des floraisons abondantes (bruyère, châtaigniers, prairies de montagne, ronces, miellat…) ou vers des cultures (tournesol, lavandin…) aidera les populations d’abeilles à rester fortes et en bonne santé. Et n’oublions pas non plus le contrôle du varroa !

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1- Évaluation de la force des colonies et des réserves

Le printemps peut s’avérer très différent d’une ruche à l’autre. Les ruches doivent être examinées une par une afin d’évaluer leur état et de décider des meilleures actions à entreprendre. Cette évaluation peut suivre les critères définis dans le précédent article (“Les top priorités des apiculteurs au printemps“) à savoir :

  • Nombre d’abeilles et quantité de couvain
  • Morphologie des abeilles (grasses / maigres)
  • Nombre d’œufs
  • Couvain operculé avec une survie élevée/faible
  • Ressources de gelée royale disponibles pour les larves
  • Plus généralement, ressources de la colonie
  • Âge de la reine
  • Infestation de varroa

Sur la base de ces caractéristiques, les ruches peuvent être classées en 3 groupes et les actions nécessaires peuvent être déterminées :

  • En bon état : Aucune action n’est nécessaire.
  • État moyen : Nécessite quelques actions de gestion : nourrissement, renforcement (réunion de colonies), renouvellement de la reine (si la population d’abeilles est suffisamment forte)…
  • Non viable : Mauvaise reine et peu d’abeilles, absence de reine…

 

2- Gestion plus détaillée

La gestion des ruches en été dépend des objectifs de l’exploitation apicole à cette période de l’année :

2.1- Déplacement vers les floraisons estivales

La transhumance des ruches entraîne des dépenses importantes pour l’exploitation, c’est pourquoi il convient d’optimiser au maximum les avantages de cette mesure. Cependant, le climat est déterminant et fixe les conditions environnementales des ruches. En Espagne, 80% des ruches sont transhumées vers des zones présentant une quantité suffisante de fleurs afin d’améliorer les conditions nutritionnelles des colonies.

L’évaluation de la production potentielle de miel dans des endroits spécifiques au cours des années précédentes, à partir de l’expérience personnelle ou des commentaires d’autres apiculteurs, permet de planifier les itinéraires de migration des colonies de manière plus appropriée.

Le suivi des conditions météorologiques, des ressources locales disponibles pour les abeilles et la visite des nouveaux sites potentiels peuvent aider à prendre la bonne décision.

La préparation adéquate du nouveau rucher, en débarrassant le site de la végétation envahissante, simplifiera le travail et contribuera à éviter les risques d’incendie, si fréquents en été.

La migration des colonies est coûteuse, il est donc essentiel de choisir les ruches les plus prometteuses en termes d’état de santé et de force : les ruches déjà suffisamment peuplées pour produire une bonne récolte, les nucs ayant la meilleure probabilité de devenir des ruches fortes et les ruches qui nécessitent une nouvelle floraison pour se rétablir et prospérer par la suite.

Il est important d’évaluer le nombre de ruches que le nouveau rucher peut accueillir, en tenant compte des objectifs de l’exploitation apicole (récolte/nourrissement). Si la floraison et les ressources sont faibles, il ne faut pas déplacer plus de 30 à 40 ruches à cet endroit, afin de permettre aux butineuses de trouver suffisamment de fleurs dans un rayon d’environ 1 à 1,5 km.

2.2- Sécuriser les ressources en eau

L’eau joue un rôle primordial pour les abeilles, en particulier pour le corps de ruche, où elle fournit l’humidité essentielle au développement des larves (50 à 60% chez les abeilles ibériques, Figure 1, Gil-Lebrero 2020). Elle contribue également à réguler la température, lorsque les abeilles ouvrières la placent sur le dessus des cellules sous forme de gouttelettes afin de l’évaporer.

Figure 1. Humidité externe (vert), dans la zone de couvain (bleu) et dans les cadres extérieurs (rouge) dans 10 ruches d’abeilles ibériques à Cordoue, de mars 2016 à février 2018, Gil-Lebrero 2020.

Toutes les abeilles ont besoin d’eau pour que leur métabolisme fonctionne, mais les abeilles nourricières ont un besoin encore plus important, car elles produisent de la gelée royale à destination des larves qui contient 67% d’eau (Bogdanof 2016).

En été, si les ruchers n’ont pas accès à des sources d’eau, les ruches cesseront de se reproduire. C’est pourquoi il est important de prévoir une source d’eau disponible dans le rucher. Selon nos calculs empiriques, une ruche a besoin d’environ 1 litre par semaine pendant cette période (Pajuelo Consultores).

Pour éviter que les abeilles ne cherchent de l’eau dans des sources d’abreuvement du bétail des fermes voisines, dans les eaux usées ou dans des sources d’eau proches des habitations (piscines, etc.), l’eau doit être fournie directement dans le rucher, de préférence à l’ombre. Ajouter un peu de sel à l’eau permettra de la conserver ; une cuillère à café rase par litre est recommandée (0,15 à 0,3%, Huang 2018).

Il est recommandé d’inclure un élément physique qui empêche les abeilles de se noyer en buvant ; cela peut être des lentilles d’eau installées à la surface, ou une autre plante aquatique, ou de la perlite, ou des graviers, ou un réservoir muni d’une bouée qui laisse peu d’eau à la surface d’abreuvement (Photos 1 et 2).

Photo 1. Abreuvoir avec plantes aquatiques. Photo de Pajuelo.
Photo 2. Buveur avec bouée. Photo de Pajuelo.

2.3- Éviter les coups de chaleur

La cire devient malléable à 40°C (Hepburn 1983). Cette température est atteinte et dépassée, selon les années, dans de nombreuses régions de la péninsule ibérique [et peut être atteinte lors de périodes de canicule en France]. Dans de telles conditions, les nouveaux rayons de cire, dans lesquels aucun couvain n’a encore été élevé, sont les plus vulnérables. Si les rayons sont chargés de miel, ils peuvent s’effondrer, renversant le miel et, parfois, obstruant l’entrée de la ruche et entraînant l’asphyxie de la colonie. Les rayons de miel qui ont déjà eu du couvain sont plus résistants à l’effondrement. (Photo 3).

Si vous vous trouvez dans une région sujette à de fortes canicules ou dans des zones où les vents chauds sont fréquents, il est recommandé de placer les ruches dans des ruchers peu exposés au soleil, de peindre les ruches dans des couleurs claires et (très important !) de blanchir les toits avant l’arrivée de la chaleur (Photo 4).

Photo 3. Effondrement des cires dû à un coup de chaleur. Photo de Pajuelo.
Photo 4. Toits blancs pour la protection contre la chaleur, Mexique. Photo de Pajuelo.

2.4- Débloquer la ponte

Après la miellée de printemps, la zone de ponte de certaines ruches peut être bloquée par des réserves de miel et/ou de pollen. Dans ce cas, il est recommandé de retirer certains de ces cadres pleins et de les remplacer, de préférence par de nouveaux cadres de cire étirée.

Sinon, la disponibilité de cellules vides pour la reine afin de pondre des œufs peut être très limitée, ce qui limitera les possibilités de renouvellement de la ruche et l’augmentation de la population d’abeilles.

2.5- Compléments alimentaires ?

Toutes les ruches n’ont pas la même efficacité dans la collecte des ressources nutritionnelles, et toutes les floraisons ne fournissent pas une nutrition suffisante aux abeilles. Lorsque les colonies sont déplacées vers des floraisons à faibles ressources ou ressources limitées, il est conseillé de s’assurer que les ruches ont du pollen en réserve ou de leur offrir une petite portion d’un supplément protéique approprié.

En été, dans les régions centrales de la péninsule ibérique, les abeilles ne peuvent collecter que très peu de types de, avec une faible abondance et une faible valeur nutritionnelle. Alors qu’au printemps et en septembre (si les pluies surviennent), de nombreux types de pollen sont disponibles (Pajuelo 2018).

Pour la France, on peut citer ce graphique publié sur le site Phyteis, qui répertorie les pollens collectés en 2021 (localisation de collecte non précisée) : « En fin de saison, faute de fleurs mellifères et nectarifères, les butineuses recherchent d’autres ressources dont le pollen est moins qualitatif.”

“Cette évolution progressive de la flore au fil de la saison se traduit aussi par une baisse des quantités de pollen ramenées à la ruche. En avril, les abeilles collectent 42 g/heure, en septembre, ce taux descend à 0,8 g/heure. Le quota est de 20 g/h pour pouvoir nourrir correctement le rucher et assurer la croissance des larves.”

Une bonne nutrition protéique, en quantité et en qualité, augmente également la résistance des abeilles aux toxines (Barascou, 2021).

De plus, si les réserves de miel ne sont pas suffisantes et que les ruches n’ont pas prévu d’être déplacées vers un bon site de floraison, il sera également nécessaire de fournir des glucides, de préférence sous forme de pâte de nourrissement plutôt qu’avec un sirop liquide, à cette période de l’année.

3- Contrôle du varroa

Dans l’article précédent intitulé “Les top priorités des apiculteurs au printemps“, nous avons déjà abordé le contrôle du varroa, la façon de vérifier l’infestation dans les ruches et comment interpréter et réagir face aux résultats…

Mais au cours de l’été, des considérations supplémentaires doivent être prises en compte. À ce stade, la population de varroas a augmenté depuis notre dernier traitement au printemps. De plus, la production de couvain a diminué depuis “l’explosion” de la population d’abeilles au printemps [attention, pas forcément valable pour la France, ou le couvain peut encore être très présent]. Ces deux facteurs entraînent une situation où la population de varroas dans le couvain operculé peut devenir extraordinairement élevée en été. Si l’on considère qu’au printemps, pour chaque varroa sur une abeille adulte, on peut trouver environ 3 varroas dans le couvain operculé, on peut en avoir jusqu’à 10 en été, avec pour conséquence une mauvaise alimentation, des virus, des nosémoses, d’autres maladies… (Photos 5 et 6). Cette situation peut conduire à l’effondrement de la colonie si l’infestation élevée n’est pas détectée à temps.

Photo 5. Infestation de Varroa en été. Photo de Llambric.
Photo 6. Infestation de varroas en été, les varroas sont également visibles dans les cellules de l’autre côté de l’alvéole. Photo de Llambric.

Il est extrêmement important de vérifier le niveau d’infestation du varroa dans les ruches au début de l’été, lorsque la dernière récolte du printemps est terminée, et de traiter rapidement en cas de danger. À ce moment-là, il est plus judicieux de surveiller le varroa sur le couvain que sur les abeilles adultes. Si le nombre de varroas dépasse le seuil de traitement, il est recommandé d’appliquer immédiatement un traitement (toujours en l’absence de hausses).

Afin de choisir le bon médicament de lutte contre le varroa, vérifiez les étiquettes des traitements du varroa pour les restrictions de température et la période de retrait avant la récolte du miel. Il est crucial en été de faire attention à la température de stockage des traitements varroa chez soi, mais aussi dans le véhicule, car des températures très élevées peuvent être atteintes pendant plusieurs heures au cours des chaudes journées d’été.

Et enfin, bien que nous soyons parfois obligés de déplacer des ruches vers des zones mellifères avec une forte concentration de ruches, il est important d’évaluer le risque de réinfestation que cela implique.

4- Attention : Comment éviter la fausse teigne

Les cadres cirés sont un élément capital à préserver dans toutes les exploitations apicoles. Les teignes (Galleria et Achroia) peuvent se développer sur ces rayons et les détruire en quelques jours, surtout en cas de températures élevées. Cela se produit uniquement si le cadre contient du pollen ou du couvain, car les restes de cocons dans la cire sont riches en protéines. Les teignes ne se nourrissent pas principalement de la cire, mais de ce que contiennent les alvéoles.

En cas de colonies faibles, ne laissez dans les ruches que les cadres « utiles », afin de ne pas laisser trop de place aux teignes pour se développer. Les cadres cirés et les sources de protéines excédentaires doivent être retirés et protégés des teignes. Cela peut être réalisé en entreposant les cadres à des températures inférieures à 12 °C ou en les plaçant dans un récipient hermétique (tonneau, chambre…) dans lequel du soufre est brûlé (en prenant les précautions appropriées). Il peut être nécessaire de répéter l’exposition au soufre après 15 jours, lorsque les œufs de teignes qui auraient survécu au premier traitement ont éclos et que les larves sont encore petites.

Photo 7. Dommages causés par les teignes. Photo de Pajuelo.
Photo 8. Ponte d’une teigne. Photo de Pajuelo.