• Fr
  • En
  • Es

Les top priorités des apiculteurs au printemps

Table des matières
Lorsque les jours rallongent et que les premières fleurs et arbustes commencent à éclore, les apiculteurs observent généralement un regain d’activité dans leurs colonies. À cette époque de l’année, les abeilles qui ont émergé à la fin de l’été et à l’automne de l’année précédente prédominent dans les ruches. Elles commencent à voler pour récolter du pollen et du nectar afin d’augmenter progressivement la population de la colonie.

À cette époque de l’année, la stratégie du / des rucher(s) doit être adaptée au rythme et au développement des abeilles. L’avancement du développement de la colonie, la floraison disponible dans l’environnement des ruches et la météo du printemps détermineront les tâches à accomplir et le moment de leur réalisation. Toutes les actions de gestion des ruches dans le rucher peuvent être résumées en quatre catégories :

1. Inspecter le développement de la colonie

Seules les colonies robustes seront en mesure de produire une récolte de miel importante plus tard dans l’année et de répondre adéquatement aux actions de gestion de l’apiculteur. C’est la raison pour laquelle il faut tout d’abord évaluer la force des ruches qui ont survécu à l’hiver pour connaître les ressources disponibles et savoir comment optimiser le développement de la colonie grâce à des techniques de gestion. La force d’une colonie doit être évaluée en observant trois éléments :

1.1. Les ouvrières et le couvain

Un nombre minimum d’ouvrières doit être présent dans la colonie – une masse critique capable de générer des températures comprises entre 32 et 35 °C. De plus, la population doit être suffisamment forte pour s’occuper du couvain afin d’augmenter et de rajeunir la population de la ruche à temps pour la première miellée. Plus les températures sont basses dans l’environnement du rucher, plus le nombre d’abeilles nécessaire pour soutenir et développer la colonie est importante. En prévision des éventuelles fluctuations météorologiques typiques du début du printemps (qui varient selon les régions), les ouvrières de la ruche doivent disposer de réserves nutritionnelles suffisantes stockées dans leur abdomen, devenant visibles lorsque l’abdomen est plus long que les ailes.

Photo 1. Abeille en manque de ressources (à gauche) et abeille bien nourrie (à droite). Photo de A. Pajuelo.

La présence d’abeilles “courtes” ou “maigres” à l’entrée de la ruche, et une mortalité élevée après une période de froid peuvent être causées par une mauvaise nutrition, le varroa ou la nosémose.

Un bon statut nutritionnel des ouvrières peut également être observé dans leur capacité à fournir une quantité suffisante de gelée royale aux jeunes larves, afin qu’elles ne soient pas desséchées.

Photo 2. Larves avec gelée royale. Photo de Pajuelo.

La perte de chaleur doit être évitée dans les ruches à faible population d’abeilles, ce qui peut être réalisé en utilisant des partitions ou des couvertures pour envelopper les ruches, pour permettre un meilleur contrôle de la température. En outre, deux ruches faibles peuvent être réunies afin d’en obtenir une avec une meilleure chance de survie.

1.2. Reine

La qualité d’une reine est jugée par la présence d’œufs, le taux de ponte, la structure du couvain et la survie du couvain (bien que cette dernière puisse être influencée négativement par d’autres facteurs tels que le varroa, la loque, la maladie du couvain plâtré, une mauvaise alimentation, des résidus dans la cire…).

Photo 3. Excellente ponte, avec un taux de survie élevé et des réserves suffisantes de pollen et de miel. Photo de Pajuelo.
Photo 4. Cadre avec du couvain en mosaïque, faible survie et sans réserves. Photo Pajuelo.

En surveillant le couvain, il faut aussi être attentif aux symptômes des maladies qui ont pu générer ce manque de survie comme le montre la photo 4 : varroa, maladie du couvain plâtré, mauvaise alimentation, loque, résidus dans la cire…

Les reines qui pondent plus d’un œuf par cellule ne doivent jamais être échangées. Ce comportement est un indicateur que la ruche est une pondeuse à faux-bourdons ou le sera bientôt. Les seules exceptions autorisées sont les reines fraîchement fécondées pendant leur première semaine de ponte.

Photo 5. Ponte de bourdons. Archives Pajuelo.

La qualité d’une reine ne peut être déterminée par sa couleur, ni par sa taille (à condition qu’elle respecte une taille minimum). Cependant, son niveau d’activité et sa vivacité à se déplacer ainsi que l’état des extrémités des ailes (si elles sont déchirées : elle est vieille ; si elles sont lisses : elle ’st jeune) sont des critères valables pour déterminer la qualité des reines.

Photo 6. Jeune reine. Photo de Pajuelo.
Photo 7. Vieille reine. Photo de Pajuelo.

1.3 Réserves

Le régime alimentaire équilibré des abeilles est composé de 80% de miel et de 20% de pollen, qu’elles stockent autour du couvain. Le pollen comme couronne autour de celui-ci, et le miel comme couche extérieure et plus étendue. Ces deux éléments doivent être à la portée des abeilles, dans une zone où les basses températures n’empêchent pas leur accès. Idéalement, ils doivent être proches du couvain, qui est la zone la mieux chauffée.

La quantité de miel et de pollen présente dépend du temps et de la floraison dans l’environnement de la ruche. Un excès de miel peut causer des problèmes de chauffage (le miel est un mauvais conducteur de chaleur), et un excès de pollen peut bloquer la croissance de la zone de couvain et produire des ruches à faible population.

Un défaut de l’un ou l’autre nutriment dans la ruche peut être temporairement compensé par la colonie, en utilisant les réserves stockées dans l’abdomen des abeilles ouvrières (abeilles « longues », bien nourries, voir photo 1). S’il n’y a pas de nouvelles ressources entrantes provenant de la floraison, ou lors de l’application d’un aliment complémentaire, miel, pollen, ou les deux (selon les besoins), les abeilles s’affaiblissent et le couvain ainsi que sa qualité diminuent (voir Photos 2 et 4).

Une bonne gestion de la population peut nous aider à soutenir et à faire croître la population d’abeilles, en commençant un mois ou un mois et demi avant la première miellée. La stimulation des colonies à l’aide de sirops liquides et, en l’absence de pollen, d’un complément protéique, peut initier un développement sain de la colonie. La stimulation s’effectue lorsque les températures extérieures à midi se situent entre 16 et 18 °C. Il est important d’être toujours prudent et d’éviter un déséquilibre de la population d’abeilles entre les nourrices et les larves à soigner.

Dans le cas où seul l’apport d’un aliment complémentaire est nécessaire au maintien de la population, celui-ci doit être pâteux (type candi).

2. Examen de l’infestation par le varroa

Il est essentiel de commencer la saison avec le moins de varroa possible, car la population va doubler ou tripler tous les mois, et la ruche peut s’effondrer en quelques mois. Au début du printemps, l’efficacité du traitement anti-varroa de fin de saison (et éventuellement celle du traitement de rattrapage hivernal) doit être examinée afin d’évaluer la croissance de la population résiduelle de varroas. Des hivers aussi chauds que 2022/2023 nous obligent à rester sur nos gardes. En fonction du résultat, il faudra envisager la nécessité d’un traitement de printemps contre le varroa.

Il est recommandé de surveiller au moins 10 ruches par rucher et environ 25 % de toutes les ruches dans les ruchers plus importants (> 30 colonies). L’idéal est de contrôler les colonies situées à la fois sur les bords et au centre du rucher. Les colonies présentant des symptômes suspects tels que des abeilles aux ailes déformées (photo 8), des nymphes expulsées (photo 9) ou la présence de varroas morts devant l’entrée ou sur les bords doivent être contrôlées en priorité.

Photo 8. Abeille présentant le virus de l’aile endommagée (DWV). Dossier Pajuelo.
Photo 9. Nymphes et varroas expulsés par une ruche. Dossier Pajuelo.

Le suivi de la population de varroas peut se faire sur les abeilles adultes ou sur la progéniture des ouvrières. Environ 1/3 de la population de varroas se trouve sur les ouvrières adultes de la zone de couvain à cette époque de l’année, et les 2/3 restants se reproduisent dans le couvain operculé.

L’observation directe des varroas sur les abeilles adultes n’est pas fiable. En effet, seulement environ 20 % d’entre eux sont visibles dans la partie moyenne et supérieure de l’abeille, tandis que 80 % ne sont pas visibles, car attachées à la partie ventrale de l’abeille. Il est nécessaire de les détacher pour une estimation précise de l’infestation. Pour un suivi fiable des abeilles adultes, il faut prélever environ 200 à 300 ouvrières d’un cadre de couvain operculé, et détacher les varroas avec du sucre en poudre, de l’alcool ou du CO2.

3. Plan de remplacement

Pendant l’hiver, un certain pourcentage de mortalité aura réduit le nombre de colonies. Au printemps, il faut les remplacer pour maintenir la taille de l’exploitation stable. Le printemps est la période naturelle de reproduction de nombreuses espèces, dont les abeilles qui développent un instinct d’essaimage. Il faut essayer de contrôler cet instinct et l’orienter vers le renouvellement des vieilles reines, remplacer les ruches mortes et, si possible, se concentrer sur la production d’essaims à vendre.

Nous pouvons simplement diviser les ruches qui ont produit la meilleure récolte l’année précédente, qui n’ont pas eu de problèmes de maladie et qui sont douces. La colonie résultant de la division élèvera sa propre reine, et, dans un mois environ, nous aurons une nouvelle ruche avec une nouvelle reine pondeuse.

Si nous voulons être bien préparés à l’avance, nous pouvons produire préalablement les reines nécessaires, toujours à partir de ruches sélectionnées. Ou bien les acheter auprès d’un éleveur de reines.

Si tôt dans la saison on constate un manque ou une absence de couvain operculé, c’est le moment idéal pour appliquer un traitement de lutte contre le varroa. Plus la surface de couvain d’une ruche est petite, plus l’efficacité de tous les traitements contre le varroa est grande, et plus il sera facile de les appliquer.

4. Le renouvellement des cires : une question fondamentale

La qualité de la cire des alvéoles est vitale. Une cire vieille et noire est due à l’accumulation de résidus de produits agrochimiques et de traitements contre le varroa. Elle contient un plus grand nombre de spores et d’agents pathogènes et transmet moins bien la chaleur qu’une cire d’abeille neuve.

Le printemps est également le moment idéal pour renouveler environ 20 à 30 % des cires. Les vieux cadres endommagés, ou les cadres adjacents aux traitements contre le varroa, doivent être déplacés sur les côtés des ruches. Lorsqu’il y a entrée de nectar et de pollen, vient le moment où les abeilles vont “blanchir” la cire, si la ruche a une taille de population suffisante. On doit pouvoir observer des bâtonnets de cire, blanchâtres, sur le dessus des cadres ou/et des alvéoles (Photo 10). Cette croissance de la population d’abeilles et des réserves de ressources est le moment idéal pour introduire de nouvelles fondations de cire, idéalement dans les zones les plus chaudes de la ruche, en contact avec le couvain. Attention cependant à ne pas séparer la zone de couvain avec les nouveaux cadres, puisque cela pourrait entrainer une baisse de la température de la grappe.

Photo 10. Blanchiment de la cire. Dossier Pajuelo.

Article écrit en partenariat avec Antonio Pajuelo, qui avait participé à la rédaction de la synthèse Parole d’apiculteur sur le nourrissement de l’abeille.