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Dossier nourrissement (6ème partie) – Synthèse de vos pratiques (suite)

Cet article est extrait de l’enquête Parole d’Apiculteur sur le Nourrissement de l’Abeille, réalisée auprès de 166 apiculteurs et en collaboration avec Antonio Gómez Pajuelo, expert en nutrition de l’abeille. Cette cette enquête a pour but de mesurer les connaissances techniques des apiculteurs, ainsi que leurs pratiques concernant le nourrissement des abeilles. Globalement, cette synthèse vous fournira des informations techniques et pointues afin de garantir un nourrissement optimal de vos colonies.

Vos Pratiques

Aliments complémentaires

Antonio Pajuelo considère un aliment complémentaire comme une assurance que l’alimentation des abeilles contiendra les composants apportés. Il existe un certain nombre de références sur les effets d’aliments complémentaires sur l’abeille domestique. On peut citer notamment des travaux concernant les algues (Roussel, 2015), la propolis (Antunez, 2008), les extraits végétaux (romarin, grenade, cannelle, pamplemousse…).
On peut faire un parallèle avec les contrats d’assurance que nous pouvons souscrire à titre personnel. Ils nous apportent un soutien en cas de problème.

Antonio Pajuelo témoigne de la situation en Espagne, où les aliments complémentaires sont fréquemment utilisés pour sécuriser la nutrition des colonies en période de sécheresse ou quand il y a une insécurité en termes de quantité ou qualité des apports de pollen, leurs floraisons étant globalement plus courtes qu’en France.

Dans un climat majoritairement océanique comme celui de la France, les aliments complémentaires sont recommandables en situation de flore et/ou de météorologie défavorable en fonction de la qualité et quantité des réserves disponibles.

Ces aliments complémentaires sont mélangés au sirop ou aux pâtes protéinées.

Nourrissement protéiné

Avant toute chose, il est important de noter que la variabi- lité de valeur nutritionnelle est forte pour les pollens, se- lon les espèces végétales. On considère que l’alimentation pollinique est meilleure quand les colonies possèdent des réserves d’au moins 4 ou 5 couleurs différentes.

De la même façon que pour les aliments complémentaires, les substituts de pollen sont souvent utilisés en Espagne, bien plus qu’en France semble-t-il. Les apiculteurs espagnols utilisent en effet des pâtes protéinées en période de sécheresse ou quand les apports de pollen sont insuffisants qualitativement et quantitativement.

En pratique, on considère qu’il y a une insuffisance quantitative si les ruches ont moins d’un cadre de pollen en période d’élevage. Ce pollen est réparti sur la partie supérieure des cadres de couvain et sur les cadres en rive du couvain. Antonio Pajuelo considère un problème qualitatif quand il y a moins de 4 à 5 couleurs de pollen dans la ruche.

L’appétence des pâtes protéinées est un point important pour leur utilisation. Notre abeille noire consomme sans problème des pâtes contenant environ 5 % de protéines. Au-delà de ce taux, l’appétence va baisser. De plus, il faut veiller à ne pas apporter trop de protéines dans l’alimentation de la colonie, la digestibilité s’en trouverait réduite.

Une question a été récemment soulevée quant à l’augmentation du risque nosémose par le nourrissement protéiné. Fleming (2015) a en effet publié une étude dans laquelle il a inoculé en laboratoire des spores de Nosema à des abeilles en cagettes. Les groupes ayant reçu une alimentation protéinée ont développé plus de spores de Nosema que les groupes alimentés seulement avec du sucre.

Selon Antonio Pajuelo, cette étude est critiquable car elle concerne des jeunes abeilles qui n’ont pas bénéficié d’un « ensemencement » correct de leur flore intestinale, et car les abeilles nourries avec des protéines vivent plus longtemps, ce qui augmente le risque d’un nombre plus élevé de spores de Nosema. De plus, d’après son expérience et Zheng (2014), la pathogénicité de la nosémose tient également à l’apparition d’un facteur de stress (froid, faim, intoxication). Ainsi, il continue de penser que les diètes protéinées présentent un intérêt dans de nombreuses situations.

 

Il est important de supplémenter les colonies si l’exploitation apicole est orientée vers la productivité, ou pour les raisons climatiques et floristiques que j’ai déjà énoncées (manque de pollen ou mauvaise qualité ou diversité de pollen). En effet, si les colonies ne sont pas préparées avant les miellées, le flux de nectar servira à produire des abeilles, et la récolte sera très limitée (voire nulle).

Il est important de nourrir avec des suppléments protéinés :

  • Avant la première floraison pour prévenir les risques mé- téorologiques qui peuvent nuire au développement de la population des colonies.
  • Avant une floraison importante, s’il y a un manque de pollen et nectar qui pourrait causer une baisse de population.
  • Avant l’entrée en hiver, pour favoriser un renouvellement de population avec l’émergence d’abeilles bien pourvues en réserves, qui résisteront bien à l’hiver et seront suffisamment vigoureuses pour bien redémarrer au printemps suivant.
Figure 9 : Exemple type de gestion pratique du nourrissement au cours de la saison apicole. Exemple d’une région de grandes cultures oléagineuses (Ouest et Sud-Ouest de la France). (Les données utilisées pour illustrer l’évolution des effectifs d’abeilles et de cellules du couvain sont inspirées d’une étude réalisée par Imdorf et al, 2010)

NB : ces données sont générales et doivent être modulées en fonction des conditions météorologiques
et des objectifs de chaque exploitation.
Source : Gonella, 2014