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Dossier nourrissement (4ème partie) – Les réserves individuelles et collectives

Cet article est extrait de l’enquête Parole d’Apiculteur sur le Nourrissement de l’Abeille, réalisée auprès de 166 apiculteurs et en collaboration avec Antonio Gómez Pajuelo, expert en nutrition de l’abeille. Cette cette enquête a pour but de mesurer les connaissances techniques des apiculteurs, ainsi que leurs pratiques concernant le nourrissement des abeilles. Globalement, cette synthèse vous fournira des informations techniques et pointues afin de garantir un nourrissement optimal de vos colonies.

Les réserves individuelles et collectives

Figure 5 : Réserves internes de l’abeille adulte

Toutes les réserves corporelles d’une abeille se situent dans son dos, sous le 5ème tergite (segment abdominal). Quand on observe une abeille, cela correspond au 3ème segment visible. Une sorte de « bosse » est présente sous la cuticule (voir figure 6), formée d’un tissu spécial de stockage constitué de trophocytes : cellules qui accumulent les corps gras et d’autres nutriments (Paes de Oliveira 2003).

Figure 6 : Réserves internes de l’abeille adulte

Ces réserves sont les réserves individuelles de l’abeille. Elles sont mobilisées quand l’abeille est enfermée dans la ruche sans pouvoir sortir (en hiver), ou pour survivre à une période d’absence de réserves dans la ruche et sans apport extérieur. Ces réserves sont complétées par les réserves « collectives » dans les cadres de la ruche. Quand elle le peut, l’abeille recharge ses réserves individuelles à partir des réserves de la ruche.

Ce phénomène d’accumulation est particulièrement visible chez les abeilles d’hiver, qui contiennent beaucoup de réserves adipeuses dans leurs trophocytes, qui vont faire grossir l’abdomen jusqu’à dépasser la longueur des ailes (voir figure 7). Ce phénomène existe également en saison, dans les périodes de floraisons intenses : voir des abeilles grasses dans les ruches est signe de bonnes floraisons. Au contraire, en période de disette les abeilles vont consommer leur réserves corporelles.

Figure 7 : abeille d’été et abeille d’hiver

Les réserves collectives de la colonie se trouvent donc sur les cadres :

  • Le miel sur la partie supérieure des cadres de couvain et dans les cadres de rive et de hausse.
  • Le pollen forme un arc autour du couvain et dans les cadres adjacents.

Attention, les réserves de la colonie continuent d’évoluer à l’intérieur de la ruche et sont périssables !

Il faut tenir compte du fait que le pollen, même s’il est fermenté pour augmenter sa conservation, possède une « date limite de consommation optimale » dans la ruche. Somerville (2005) et Vasquez (2009) indiquent qu’il commence à se détériorer significativement après deux mois. Il va progressivement perdre des composants (et donc ses propriétés), jusqu’à atteindre une forte détérioration à partir de laquelle les abeilles le sortent de la ruche. Ce phénomène est très visible à la sortie de l’hiver. Le développement de l’élevage au printemps, étape clé dans le redémarrage des colonies, se réalise donc conjointement avec l’arrivée du pollen frais. Néanmoins, s’il n’y a pas d’apport de nouveau pollen, les abeilles continuent de consommer le vieux pain d’abeilles.

Qu’en est-il du miel ?

Les réserves en miel se conservent plus longtemps que le pollen. La conservation du miel en ruche va dépendre de la température de la zone de stockage (White, 1964).

Nous pouvons considérer que, pour l’abeille, la « date limite de consommation optimale » du miel est de 4 ans.

En effet, au-delà de cette période, les HMF produits présentent un risque de toxicité pour l’abeille. Les HMF résultent de la déshydratation des sucres, en particulier le fructose. A température ambiante, la vitesse de formation des HMF est d’environ 1 mg/kg de miel par mois. Les températures élevées accélèrent la formation des HMF, ainsi que les miels plus acides ou récoltés depuis longtemps.

De plus, avec le temps, il y a une perte des propriétés nutritionnelles du miel qui correspond à la détérioration de composés organiques, flavonoïdes, arômes…

Il n’y a pas de risque de fermentation si l’humidité du miel est correcte (inférieure à 18,5 %), ce qui est majoritairement le cas. Des exceptions existent sous nos climats, par exemple dans des miellées d’automne en jours courts et humides : les abeilles peuvent operculer du miel à environ 20,5 % d’humidité.

De plus, pour qu’il y ait fermentation, la température doit être supérieure à 20 °C, ce qui limite le phénomène.

Les abeilles avalent directement leur nourriture. Elles ont un mode de préhension de type suceur. Les mandibules jouent le rôle de pinces et servent seulement à détacher et amalgamer la nourriture. Il est donc très important que les particules soient petites (maximum 0,2 mm de diamètre).
Les apiculteurs qui fabriquent leurs aliments doivent donc veiller à ce que particules soient correctement désagrégées ou dissoutes dans l’eau sans faire de grumeaux ou de trop grandes particules.
De plus, si du miel cristallise dans les réserves de la ruche, il ne sera pas consommable par l’abeille (sauf exception s’il y a une forte condensation d’eau dans la ruche qui puisse dissoudre les cristaux : très forte humidité ambiante et population élevée d’abeilles).

Focus : la malnutrition

Les effets de la malnutrition des abeilles sont connus. Il y a une interaction entre les abeilles et la colonie, et les problèmes individuels se répercutent sur la population d’adultes et l’élevage, qui se verront qualitativement et quantitativement réduits. Le cannibalisme sur les larves est possible et aura un effet sur la génération adulte suivante et sur la capacité de la colonie à constituer des réserves (Brodschneider, 2010).