« Que s’est-il passé dans mon rucher ? » – Études de cas sur la gestion du varroa
Nous sommes heureux de vous présenter une nouvelle série dans notre newsletter VP, conçue comme un outil d’apprentissage destiné aussi bien aux apiculteurs qu’aux techniciens apicoles. Dans cette série, nous partagerons des exemples concrets de rapports d’apiculteurs décrivant leurs expériences de traitement contre le varroa. Certains de ces rapports proviennent de cas réels anonymisés, tandis que d’autres sont fictifs, mais inspirés de situations authentiques recueillies par Véto-pharma au fil de nos nombreuses années d’expérience dans le secteur apicole.
Un apiculteur américain appelle à la mi-septembre, la voix affolée.
« J’ai traité mes 52 colonies avec un traitement sous forme de lanières à base d’amitraz, à la fin du mois de juillet, le 28… Mais le traitement n’a pas réduit le nombre de varroas. Lorsque j’ai retiré les lanières la semaine dernière, j’ai même remarqué des abeilles ouvrières avec des ailes déformées dans certaines de mes ruches.
J’ai donc prélevé cinq (5) colonies de mes deux ruchers et effectué des comptages au sucre pour estimer le nombre de varroas. Voici les résultats obtenus pour les dix (10) colonies examinées :
Je ne sais pas ce qui a mal tourné avec mon traitement. Les varroas de mes colonies seraient-ils résistants à l’amitraz ? Comment puis-je m’assurer que mes colonies survivront à l’hiver ? »
Chaque fois que nous recevons des rapports comme celui-ci, nous cherchons à comprendre les raisons qui ont conduit à l’expérience de traitement spécifique décrite par l’apiculteur.
Nous essayons de recueillir autant d’informations que possible sur le produit utilisé (numéro de lot, date de fabrication, etc.), les conditions de stockage, les détails de l’application (dosage appliqué, durée du traitement, etc.), les conditions des colonies au moment de l’application (stade de développement du couvain, nombre de cadres, niveau d’infestation…) ainsi que d’autres actions ou événements survenus avant, pendant et après le traitement et qui auraient pu influencer le résultat.
Dans ce cas, nous avons pu établir rapidement que le produit utilisé, acheté un an avant l’application, n’était pas périmé et avait été stocké conformément aux recommandations (dans un endroit frais et sec) avant son utilisation. Aucune variation n’a été constatée dans les paramètres de qualité enregistrés avant que les lanières de ce lot ne quittent le site de fabrication.
Nous avons ensuite interrogé l’apiculteur sur l’application elle-même :
– Au total, 52 colonies ont été traitées : 24 colonies dans le rucher 1 et 28 colonies dans le rucher 2.
– Dans des ruches Langstroth à double corps.
– La dose recommandée pour le produit est de 1 lanière pour 5 cadres d’abeilles, soit 4 lanières par colonie dans ce cas.
– Au centre du groupe de couvain, pendant 6 semaines, soit la durée minimale recommandée pour le traitement.
Bien qu’aucune de ces réponses n’indique d’erreur dans le processus d’application, la dernière réponse a retenu notre attention. Fin juillet, au moment où l’apiculteur a appliqué les lanières, il y a généralement encore beaucoup de couvain dans les colonies. Après vérification, l’apiculteur nous a confirmé que ses ruches étaient pleines d’abeilles et de couvain lors de l’application. À cette période de l’année, une quantité importante de couvain signifie souvent de nombreux varroas cachés sous les opercules. Compte tenu des niveaux élevés d’infestation par les varroas à ce moment de la saison, nous recommandons généralement de laisser les lanières en place pendant la durée maximale autorisée dans l’AMM [en France, cela correspondrait à 10 semaines, soit 4 semaines de plus que la durée appliquée par cet apiculteur].
Cependant, convaincus qu’il restait des éléments à éclaircir, nous avons commencé à interroger l’apiculteur sur l’historique de ses colonies avant l’application du traitement.
Voici les questions que nous lui avons posées :
– L’année précédente : un traitement enregistré à l’acide formique au printemps (mi-avril), suivi d’un traitement enregistré à base d’amitraz à la mi-juillet, puis de cinq (5) applications d’acide oxalique en octobre et novembre.
Cette année, au printemps, un nouveau traitement à l’acide formique a été appliqué, mais plus tôt, fin mars, car les niveaux d’infestation varroa semblaient plus élevés que prévu dès le début de la saison. Le traitement à base d’amitraz a été appliqué environ deux semaines plus tard que l’année précédente, soit à la fin du mois de juillet.
Dans les deux années, des divisions ont été effectuées en mai et vendues à d’autres apiculteurs.
– Pas pour toutes les colonies qui ont été surveillées après l’application du traitement pendant 6 semaines, mais les chiffres d’infestation pour 6 colonies (3 par rucher) sont disponibles.
Les réponses à ces deux questions nous permettent de mieux comprendre ce qui a pu poser problème dans ce cas précis.
Tout d’abord, c’est une bonne pratique que l’apiculteur intègre plusieurs solutions dans sa stratégie de traitement. L’alternance des traitements contre le varroa en utilisant différents principes actifs constitue une condition préalable essentielle à une stratégie de lutte efficace contre le varroa.
Nous reconnaissons également que l’apiculteur a fourni des efforts pour surveiller les niveaux d’infestation dans ses colonies. Il a effectué des comptages au sucre, non seulement après le traitement, mais aussi avant, du moins sur certaines de ses colonies.
Nos conseils pour l’avenir seraient les suivants :
L’information suivante sur laquelle nous souhaitons attirer l’attention concerne la différence de timing entre les deux saisons de traitement.
Lors de la saison précédente, le traitement à l’acide formique avait été appliqué environ deux semaines plus tard que cette année. De même, le traitement à l’amitraz en été a été appliqué deux semaines plus tard, soit à la fin juillet, contre la mi-juillet lors de la saison précédente.
En outre, l’apiculteur ne signale aucune surveillance des varroas entre le début du printemps (avant le traitement à l’acide formique) et juillet (avant le traitement à l’amitraz).
Dans quelle mesure le niveau d’infestation a-t-il augmenté entre le printemps et l’été ? Nous ne disposons pas de cette information et, entre fin mars et fin juillet, l’infestation par les varroas dans ces colonies reste, pour nous comme pour l’apiculteur, une véritable boîte noire.
Nous ajoutons ici notre quatrième recommandation pour l’avenir :
En examinant les chiffres rapportés sur le nombre de varroas, nous ciblons rapidement le problème principal. Malheureusement, une seule colonie a été surveillée avant et après l’application du traitement à base d’amitraz : la colonie n° 2 de la ruche 1. Les résultats montrent que le niveau d’infestation avant traitement était de 10,8 %, et qu’après 6 semaines de traitement, il a été réduit à 2,3 % — soit une baisse du niveau d’infestation de 78,7 %.
Aujourd’hui, les seuils de traitement recommandés pour une application estivale contre le varroa se situent généralement entre 2 et 3 %. Même s’il n’est pas toujours possible d’atteindre précisément ces valeurs, il est conseillé de ne pas dépasser le seuil de plus de 1 à 2 %. Un niveau d’infestation supérieur à 5 % à la fin de l’été est largement considéré comme dangereux, car il compromet la survie des colonies pendant l’hiver. En combinant différents traitements contre le varroa et, si nécessaire, certaines techniques de gestion des ruches comme les divisions de fin de saison, il reste possible d’aider les colonies à passer l’hiver.
Cependant, dans ce cas précis, nous observons un niveau moyen d’infestation avant traitement de 9,4 % sur l’ensemble des deux ruchers, et 4,4 % après traitement. Les colonies échantillonnées n’étaient pas les mêmes entre le suivi avant et après traitement, ce qui limite la comparaison.
Notre cinquième recommandation pour une future stratégie de traitement contre le varroa est donc la suivante :
Sur la base des informations liées à la durée du traitement, nous ajoutons également :
Comme recommandation immédiate (d’urgence) pour réduire davantage l’infestation par le varroa, nous conseillons à l’apiculteur d’appliquer un traitement à l’acide formique, les températures actuelles de sa région (environ 18 °C à 21 °C) étant idéales pour une bonne efficacité.
De plus, il est recommandé de prélever des échantillons dans 5 autres colonies par rucher, afin de réaliser un suivi avant et après traitement (sur les mêmes colonies). Cela permettra à l’apiculteur d’évaluer plus précisément l’efficacité du traitement et de décider si une intervention supplémentaire est nécessaire avant l’hivernage. Dans tous les cas, il est fortement conseillé d’effectuer une nouvelle série de contrôles environ 4 semaines après la fin du traitement à l’acide formique, afin de déterminer si un traitement automnal ou hivernal précoce doit être appliqué.
Concernant la question initiale de l’apiculteur sur une éventuelle résistance à l’amitraz, nous concluons que cela est peu probable du fait du protocole d’alternance de l’apiculteur. L’apiculteur alterne régulièrement les principes actifs, et le traitement à base d’amitraz a manifestement réduit le niveau d’infestation. Cependant, nous ne pouvons quantifier cette réduction que dans une seule colonie — la colonie n° 2 du rucher 1, avec une baisse du niveau d’infestation de 78,7 %. Compte tenu des circonstances générales — niveaux initiaux élevés de varroas, durée minimale du traitement (6 semaines) et présence d’abeilles aux ailes déformées après traitement — nous pensons que le problème est très probablement lié à un manque de surveillance régulière et la mise en place d’action spécifique plus tôt en saison afin de limiter la croissance rapide de la population de varroas pendant la saison.
Nous espérons que ce cas illustre les défis que peut poser l’infestation par le varroa, même pour les apiculteurs attentifs, qui lisent les notices, appliquent correctement les traitements et alternent les principes actifs. La gestion du varroa est complexe, et elle est devenue plus exigeante ces dernières années. Il n’y a aucune honte à commettre des erreurs en chemin : l’essentiel est de documenter ses actions, échanger avec d’autres apiculteurs, inspecteurs ou fabricants, et apprendre de l’expérience pour construire une stratégie de traitement solide et adaptable d’une saison à l’autre.
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